Jacques Cauda est écrivain, réalisateur de films documentaires, peintre et éditeur. Cher Nicolas, Dès les premières pages, le Nord (le mot) est venu vite jusqu’à moi. Monté comme des blancs en neige. Sans doute par les w et les k, qui sonnent viking… Narwik… Alliés à des photos vues il y a peu, photos faites par une amie qui a voyagé sept fois (dans sa bouche et) en Islande. Et le titre du livre de Céline qui a pourtant peu à voir avec votre d’asphalte et de nuée. Chez Céline le mot est musical, chez vous pictural. Il se mâche, se mange comme la peinture. J’ai toujours approché et rapproché la cuisine de l’atelier. La table : le tableau ! Le cuistot sort du néant l’animal mort comme le peintre sort son « objet » de son néant. L’un comme l’autre le donne à voir et à manger. Ne serait-ce pas aussi le sens de l’eucharistie ? Avale et tu verras ! Passé cette montée du Nord, j’ai dévoré. Appétit d’ado parmi vos ados. Avec ce paradoxe, celui d’être et au Nord et dans un roman terrifiant dont la géographie est toujours méditerranéenne, Espagne, Italie, France du sud. J’évoque ici Walpole, Radcliffe, Lewis, etc. Leurs romans gothiques et leurs châteaux de la subversion qui chez vous sont des terrains dit vagues, hangars, no man’s land… où sévissent les sévices ! Château de Barbe-Bleue, château de Lacoste, Sade raconté à l’enfant que je suis (re)devenu à vous lire. Délicieusement terrifié par vos ogres, eux aussi dévorateurs aux mâchoires frénétiques ! Noir récit pour ma pupille noire du qui-vive ! Pensée en alerte filant entre vos lignes tendues comme des rets. Après l’air normand et les forêts poisseuses, vous me conduisez, cher Nicolas, rue de Malakoff ! Avec Nettie nue sur le lit jambes écartées… Jeune fille en fleur prisonnière retrouvée (comme Albertine) qui à son tour va se retrouver mais à la montagne (Hautes-Alpes) parce qu’elle est plus minérale que l’arène de pierre, écrivez-vous. Que j’entends, à l’évidence, comme La reine de pierre (jeu vidéo pour ado) en écho à la conversation que nous avons eue samedi à Charenton sur vos figurines poussiniennes, moteurs à essence de votre roman gothique ! "Le Hameau" Avale et tu verras, ai-je déjà dit. C’est pourquoi vous démarrez votre Hameau (un décor de cinéma… murmura Henning) par un banquet, une danse des plats. Pour voir. Voir des images des films. L’œil du bourreau, La jupe et le caveau ! Des pellicules du genre fameux, le giallo. Du roman noir au film jaune ! Dario Argento et Mario Bava y excellent ; ils ont l’œil sur l’ondulante Rosalba Strebel virtuose des parois et des volumes. L’image avec la lettre et la lettre avec l’image (vaste programme !) au milieu desquelles j’ouis votre narrateur, deux points, ouvrons les guillemets : «Au milieu du chemin entre les lettres je me retrouvai par une forêt de béton sans recours et sans base arrière quoi ? un trou du fond du mur du fond ? la voix peut-être perdue ? ah ! dire cette forêt d’images féroces et âpres qui renouvelle la peur comme voir écrire la pensée ! Oh si bonne peur que mauvaise l’est à peine plus mais pour traiter du dire que j’y trouvai je dirai des choses que j’avais peine à imaginer mot vent flèche à l’assassin…. giallo je ne sais pas bien redire comment j’y entrai tant je fus plein de vigueur parlante en ce point où j’abandonnai la voix intérieure et j’entrai ! Je pris toutes les lettres et toutes les images qui furent comme jetées au ciel et de toutes les lettres et les images mêlées je fis des images-lettres entortillées ensemble tout autour de moi qui forçais mille mots à mille pattes et tant qu’une fumée couvrit mon corps de nouvelles couleurs du noir et du jaune qui firent pousser les mots les uns sur les autres sans détourner les yeux du trou et ainsi d’être au centre du milieu d’autour de moi… le narrateur… » Et ainsi infiniment, jusqu’au cri jusqu’aux flammes ! Merci cher Nicolas pour ces bonheurs de lecture.
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